anas lex a écrit: j'ai des fois l'impression d'être le gusse qui regarde avec un air bovin les œuvres de la Galerie des Offices une à une
Parallèle intéressant avec la peinture. Comment expliquer qu'on se sente con face à une oeuvre, qu'on ne comprenne pas son objectif, sa beauté, sa singularité ? Avec les élèves, c'est récurrent, la visite d'Orsay avec eux était chouette à ce niveau-là.
Les toiles les plus aimées étaient toujours celles les plus faciles à décoder (bon, sauf quand la chatte de ta mère est affichée devant tout le monde). On a retravaillé là dessus au moment de l'instauration du nazisme en Allemagne. En leur montrant une série d'oeuvres considérées comme "dégénérées", ils devaient trouver des points communs (entre Schiele, Munch, hagall, Kandinsky, Picasso...) Et ce qui revenait le plus souvent, c'est le côté "faut réfléchir", "le sens de l'oeuvre n'est pas accessible du premier coup d'oeil" ou encore "on peut l'interpréter de différentes manières".
En gros, le spectateur est libre. Trop surement pour les nazis. D'ailleurs, l'art officiel du régime prend tellement les gens pour des cons qu'il n'y a rien à analyser, kes ficelles sont aussi grosses que les sabots de "l'artiste".. Même chose avec le jazz, trop cérébral.
Je me souviens de ma première visite au Louvre, étant môme, ça m'avait scandalisé de voir autant de monde se presser face à la Joconde alors que des tableaux immenses, aux cadres majestueux et magnifiques étaient délaissés.
Je pense qu'on ne peut pas saisir le sens d'une oeuvre (film ou peinture) sans connaître son histoire. Pourquoi le mec a peint ça, qui l'a commandé, qui l'a payé, qui l'a influencé (autre artiste ou événements personnel ou historique). C'est en fouillant ça qu'on peut comprendre, donc apprécier un tableau. A Florence par exemple, tout doit être envisagé dans le rapport entre le pouvoir et l'artiste, tout découle du nouvel équilibre politique de l'Italie de la fin du Moyen Age.
APrès avoir compris ça, je me suis senti tout de suite moins stupide face à ces oeuvres. Pour les films, je m'oblige à avoir la même méthodologie. Qu'est ce qui a motivé le réalisateur, quel était son projet, qu'est ce qui l'a limité, sur qui ou quoi s'est-il appuyé. Et là, un film, quelque soit sa qualité intrinsèque, il prend du sens.
Lars Von Trier, je n'ai pas tout vu ni tout apprécié. Les idiots est sublime, Dogville est sacrément culotté. Je n'avais pas aimé Dancer in the Dark. A chaque fois, je lui trouve une ambition remarquable, surtout quand on compare à la production cinématographique actuelle qui rejette la prétention à être de l'art. Dans 90% des films aujourd'hui, tout est présenté dans les 10 premières minutes (le caractère -figé- des personnages, l'intrigue...) car les producteurs ont peur de "perdre les spectateurs". Et du coup, ça joue sur les goûts des gens, qui sont progressivement nivelés, standardisés. Ya un côté projet totalitaire dans la façon dont est organisé le cinéma à l'heure actuelle, ne serait-ce que dans la répartition des copies par salle, le temps passé à l'affiche.
Je préfèrerai toujours un mec ambitieux qui se plante à un fond d'investissement qui vise une niche est produit un film "prêt à consommer". Sinon,
c'est la mort de l'art ® . C'est dans cette optique qu'on a voulu faire du cinéma avec les copains.