Footnantais

Reprise du dernier message :
1984 c'est bien sûr une dénonciation du stalinisme, mais une critique située, d'un point de vue socialiste, d'extrême-gauche si l'on veut (même si le terme est inadapté pour bien des raisons). Même s'il est plus tardif, 1984 est à replacer dans le contexte de "S'il est minuit dans le siècle" (Serge), du "Zéro et l'infini" (Koestler). Bref, une époque de désespoir, mais marquée aussi par ceux qui, justement, ne cèdent pas au désespoir, au nihilisme. Orwell, en un sens, et malgré ses nombreuses tares, en fait partie, tu peux lire 1984 avec ça en tête aussi...

Sinon, CdR, tu peux (re)lire "Le meilleur des mondes" (Huxley), si tu veux jouer aux parallèles contemporains.

Mes troisièmes le lisent en français, je ne sais pas ce qu'ils en retiendront, mais ça s'agence plutôt bien avec le programme d'Histoire.

Sinon, dans les quelques bouquins lus ces derniers temps :
- la lutte des classes au XXIème de Todd, qui n'a rien de scientifique, mais a quelques passages marrants dans ses analyses sur le long terme, sa vision iconoclaste. C'est plein de raccourcis, comme la transposition écrite d'une soirée arrosée, mais comme bouquins à lire entre deux bibs', ça fait le job.
- l'ours, histoire d'un roi déchu de Pastoureau. Après avoir lu et adoré son cycle d'histoire culturelle des couleurs, son ouvrage sur la figure de l'ours. Passionnant, riche, qui croise l'héraldique avec les romans (Arthur, Renart, mythologies antiques, Bible) pour montrer en gros, comment la religion chrétienne a transformé l'animal le plus proche de l'homme et le plus admiré/craint en une bestiole exterminée, planquée, ridiculisée, affectée de tous les vices, symbole du diable et devenue aussi inoffensive et désacralisée qu'un nounours. Du Paléolithique à nos jours. Brillant

La conjuration j'ai pas aimé.

AAC a écrit:1984 c'est bien sûr une dénonciation du stalinisme

Perso je l'ai toujours vu comme une dénonciation du totalitarisme au sens large. Que ce soit le Stalinisme, le Nazisme, le Fascisme, ou le Maoïsme (ou du moins ce qui l'a engendré). Voire l'impérialisme Américain. Surtout avec cette opposition perpétuelle entre 3 forces toutes aussi totalitaires les unes que les autres à leur propre façon.

J'imagine que c'est parce qu'il y a finalement assez peu d'"idéologie" (j'ai parfaitement conscience que le terme n'est pas bon, mais je n'ai pas réussi à le trouver) même si le livre fait référence au socialisme (Angsoc).
Le parti n'a pas réellement d'autre programme que de conserver le pouvoir. Le pouvoir pour le pouvoir. Le prolétariat est maintenu dans l'absence de conscience politique, tout comme les bureaucrates, qui obéissent aveuglément sans s'apercevoir des contradictions et adhèrent totalement à l'autorité. L'adoration de Big Brother a un côté mécanique, les ministères sont ceux de l'"Amour", de la "Vérité".
Les trois superpuissances qui se foutent sur la gueule puis s'allient puis se refoutent sur la gueule ont (si j'ai bien compris) la même idéologie, légèrement déclinée. D'ailleurs, s'ils se battent, c'est uniquement pour maintenir l'état de guerre permanent (et pour obtenir les ressources stratégiques nécessaires à la guerre, ce qui est inutile du coup) et ainsi tenir la population.
Il n'y a sans doute pas de réelle différence entre la pensée du principal opposant politique (qui n'existe probablement pas) et celle de Big Brother (qui n'existe probablement pas en tant qu'individu, mais seulement en tant qu'incarnation de l'Etat). La lutte entre les deux m'avait spontanément fait penser à Trotsky et Staline mais comme je ne connais rien aux deux, ça doit relever du ressenti voire d'une ignorance crasse.

Tout ça pour dire que c'est sans doute transposable à n'importe quel totalitarisme et, probablement, à beaucoup d'époques.

Après son expérience espagnole en 36, il est fort probable qu'Orwell ait eu envie de canarder à droite et à gauche.
Je suis pas sûr qu'il soit revenu là-bas en portant Staline dans son cœur, alors qu'il allait y combattre Franco.

RudeBwoy a écrit:Après son expérience espagnole en 36, il est fort probable qu'Orwell ait eu envie de canarder à droite et à gauche.
Je suis pas sûr qu'il soit revenu là-bas en portant Staline dans son cœur, alors qu'il allait y combattre Franco.

Autant c'est mitigé sur 1984, et ça ratisse large, autant effectivement dans un autre de ses romans célèbres, La Ferme des Animaux, on sent clairement qu'il vise assez ouvertement l'Union Soviétique, et sans doute en particulier le Stalinisme.

RudeBwoy a écrit:Après son expérience espagnole en 36, il est fort probable qu'Orwell ait eu envie de canarder à droite et à gauche.
Je suis pas sûr qu'il soit revenu là-bas en portant Staline dans son cœur, alors qu'il allait y combattre Franco.

Evidemment, Hommage à la Catalogne en est la preuve parfaite

AAC a écrit:1984 c'est bien sûr une dénonciation du stalinisme

Je reformule : à mon sens, c'est essentiellement du stalinisme (ou de ce qu'Orwell perçoit/comprend du stalinisme) que 1984 tire ses traits les plus marquants. Même si pas seulement.

L'excellent "l'arabe pour tous" de Nabil Wakim, le journaliste du monde né au Liban.
Passionnante description de sa non-maîtrise de sa langue maternelle, réalité très courante avec l'arabe en France (témoignages croisés de nombreuses personnalités de Nadia Daam à Myriam El Khomry, Karim Rissouli), perçu par les premières générations comme un obstacle à l'assimilation, donc enterré, renié, circoncis à la sphère intime, à la gastronomie. Plus généralement, divagation très intelligente sur le thème du langage, de l'identité, des prénoms, de l'oubli, du bilinguisme, des "personnalités différentes attachées à chaque langue qu'on parle", à travers la vie et les expériences de l'auteur (école, bande de copains, erasmus, études aux usa, paternité, retour aux racines familiales, honte, fierté...).
Etant d'origine arabe chrétienne, on échappe dans ce livre au rapport au fait religieux, intimement lié à la langue arabe. D'ailleurs, Nabil ou Ziad, ce sont des prénoms marqués "chrétiens" au Liban

C'est marrant de voir un camarade de TD à la fac considéré comme une personnalité.
Il a bien réussi.
Et moi je suis une merde.


Sinon, sur les chrétiens libanais, ça me rappelle un camarade de fac, chrétien, très croyant et libanais, qui s'était fait interpeller par une coreligionnaire à la sortie de la messe. Elle lui avait demandé ce qu'il faisait ici. Il lui avait répondu qu'il était chrétien. Elle lui avait dit qu'elle pensait qu'il était arabe et que, du coup, elle ne comprenait pas ce qu'il faisait à l'église. Il lui avait expliqué qu'il était arabe et chrétien, ce qui avait plongé la dame dans les affres de l'incompréhension.

Alister
@SchnockRevue

Incroyable déambulation dans la bibliothèque d'Umberto Eco...

Il y a des gens qui font une bibliothèque dans leur maison.
Umberto Eco, lui, avait sa maison dans une bibliothèque.
(La légende dit qu'il savait parfaitement où se trouvait n'importe lequel des ouvrages).

@denise_septem

« Un homme de 88 ans est mort en Allemagne récemment. Il avait une bibliothèque privée de 70 000 livres que personne ne connaissait et il a construit lui-même tous les meubles pour les livres. »

Le Puy du faux. 4 historiens (antiquiste, médiéviste, moderniste, contemporaneiste) se baladent pendant 3 jours dans le célèbre parc vendéen.
Conclusion, si vous aimez l’Histoire, la méthode comme la vérité historique, privilégiez le parc Astérix.

En biblio reliée, y’a un alléchant « les historiens de garde, de lorant deutsh à Stéphane Bern ».

Nota Bene faisait la promotion du bouquin et franchement j'ai bien envie de le lire.

Fonce, ça se dévore vite…

Sinon, plus je lis Pastoureau (le vert, le noir, le bleu…) plus je trouve son histoire culturelle absolument géniale. Sur le vert, il évoque l’incroyable débat sur l’absence de description de la couleur verte dans les textes grecs antiques… que certains au XIXe ont analysé comme une malformation de l’œil (ils n’en parlent pas parce qu’ils ne le voient pas), les nazis y voyant même la supériorité raciale des germains (qui la décrivent) sur les grecs… et y répond de façon tellement intelligente. Technique, symbolique, physique, psychologique, littéraire… le mec a une vue tellement large c’est fabuleux