par titube » 08 Déc 2010 15:24
Je ne sais pas si certains ont entendu parler de ça sur Nantes. Si cet article peut éviter à certains de se faire avoir, tant mieux.
Les sectes font actuellement le forcing dans le monde de l'éducation, de la santé et du social.
Article paru dans "La Charente libre"
6 décembre 2010 | 04h00
Mis à jour | 09h35 Région
Le reiyukai, la petite secte qui monte en Charente
Le reiyukai, mouvement sectaire qui se revendique du bouddhisme, a un foyer très actif en Charente. Il recrute essentiellement chez les enseignants. Et inquiète par son prosélytisme très offensif.
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Le discret mouvement reiyukai, répertorié parmi les sectes, fait son trou en Charente. Et il fait peur, parce qu'il recrute essentiellement dans les milieux en contact avec des enfants et des adolescents. Catherine (1), une ancienne adepte, professeure des écoles aujourd'hui sortie des griffes de la secte, est tombée dans un «guet-apens». «J'ai été invitée à une soirée entre amis. J'y suis allée. C'était une réunion du mouvement.» Devant l'insistance de ses nouveaux camarades, elle accepte de faire une «période d'essai».
Bien sûr, elle pourra arrêter quand elle voudra, lui dit-on. Le piège se referme. «Car si quelqu'un n'adhère pas, c'est parce qu'il est lâche, qu'il ne veut pas progresser...»
Coupée de son entourage
Catherine ramène quelques nouvelles têtes, conformément à l'obligation faites aux adeptes. La consigne est claire: «Dès qu'on rencontre des gens dans la rue, il faut parler avec eux, trouver ce qu'ils appellent des "moyens habiles" pour les convaincre.» Plus on recrute, plus on s'élève dans une hiérarchie invisible. Autre obligation, se plier aux rituels. Le «sutra» est une prière «qui dure une demi-heure, sans s'arrêter, qu'on lit d'une voix monocorde», raconte Catherine.
Quand les «compagnons» ne vont pas bien, c'est qu'ils n'ont pas assez recruté ou pas assez prié. «Tous les jours, on est en contact avec un "aîné de pratique". Si ce n'est pas vous qui appelez, ce sont eux qui vous appellent. C'est un véritable harcèlement», dénonce Catherine. Des discussions qui durent des heures. «À chaque fois que je n'étais pas d'accord, ils arrivaient à me casser, à me soumettre.» Un endoctrinement qui passe «par des formules toutes faites». «Ils parlent avec une voix toute douce.»
Petit à petit, Catherine se coupe de son entourage. Sa famille, aux yeux de ses «compagnons», freine sa progression. «Je ne voyais plus qu'eux», raconte-t-elle. Les réunions prennent de plus en plus de place dans sa vie. Jusqu'au jour où elle prend conscience qu'elle est en train de déraper. Petit à petit, elle prend ses distances. «Je suis devenue le vilain petit canard. J'ai été humiliée dans des réunions.» Quand elle décide de couper le cordon, elle se retrouve seule, avec une belle dépression nerveuse.
Véronique (1), autre enseignante approchée, raconte sa mésaventure. «Une collègue m'a proposé d'aller dans un groupe de parole, m'expliquant que ça me ferait du bien.» C'est le choc: «Il y avait un petit autel avec de l'encens, des photos des ancêtres, un petit gong. On a démarré par une prière. On m'a demandé de lire ce que j'avais sous les yeux. C'était des sons répétitifs, qui produisent une sorte de bourdonnement.»
Malgré son refus de renouveler l'expérience, elle est relancée avec insistance. «Ma collègue me disait: "Tu n'as pas envie de t'améliorer, de progresser?"» On lui propose des week-ends à Nantes - le siège national du mouvement -, on l'appelle au téléphone, on lui envoie des mails. Devant son silence obstiné, le mouvement a fini par la laisser tranquille.
Tous les lycées touchés
«Il y a des foyers dans tous les lycées», constate un proviseur. «Il y a beaucoup d'enseignants, de tous niveaux, mais aussi des animateurs de clubs sportifs», souligne un témoin. Le prosélytisme envahit parfois les salles des profs. «Il y en a qui n'en peuvent plus, indique un chef d'établissement. Dès qu'ils racontent un événement de leur vie privée, on leur tombe dessus.» «Je m'inquiète, confie une observatrice, parce que ça concerne des collègues qui sont en difficulté dans leur vie professionnelle ou personnelle». «Ils essaient toujours de repérer le point faible et après, ils ne lâchent plus, confirme Dominique Hubert, présidente de l'Adfi (2) de Nantes.
Difficile de lutter contre le reiyukai. L'adhésion à une secte n'est pas pénalement répréhensible. Un chef d'établissement avoue son impuissance: «Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? Je n'ai pas constaté de prosélytisme vis-à-vis des enfants.» En tout cas, pas au sein des classes. «On se contente d'y repérer les adolescents fragiles, réceptifs», a constaté Catherine, encore choquée d'avoir croisé un jeune de 17 ans dans une réunion.
«Et pour les enfants des adeptes, s'inquiète Dominique Hubert, quel effet ça peut avoir sur eux d'entendre psalmodier des mantras tous les jours?» «L'outil se prête bien à la manipulation mentale. On récite des formules magiques censées faire réussir dans la vie, résume Didier Pachoud, président de l'association Gemppi (3). C'est un peu un distributeur automatique de réussite.» Et quand ça ne marche pas, c'est de la faute de l'adepte. Qui n'a pas assez recruté, pas assez prié. Il faut alors augmenter les doses.
L'argent est souvent un enjeu dans les mouvements sectaires. Dans le cas du reiyukai, Dominique Hubert s'interroge sur l'origine des fonds qui ont permis d'acheter l'immeuble où se trouve le siège du mouvement «dans le quartier le plus cher de Nantes». À raison de 5 euros de cotisation mensuelle, même si l'on encourage les adeptes à verser aussi pour leurs proches, les recettes ne peuvent pas être mirobolantes. «Le moteur, pour eux, c'est plutôt le pouvoir, estime Didier Pachoud. C'est valorisant d'être gourou à peu de frais quand on est en quête de reconnaissance et qu'il n'y a pas de concurrence.»
(1) Les prénoms ont été changés.
(2) Association de défense des familles et des individus victimes des sectes.
(3) Groupe d'étude des mouvements de pensée en vue de la prévention de l'individu.
Une façade respectable
Le reiyukai est une pratique dérivée du bouddhisme. «Et le bouddhisme a plutôt la cote en France, note Didier Pachoud, le président de l'association Gemppi de lutte contre les mouvements sectaires. On pense à une religion tolérante, peu prosélyte.» Le reiyukai est pourtant inscrit sur la liste des mouvements sectaires de 50 à 500 adeptes dans un rapport parlementaire réalisé en 1995. Il fait partie d'une nébuleuse de mouvements qui se disent «bouddhistes laïcs».
Au siège de Nantes, on ne s'offusque pas d'être traité de secte. «Chacun a son avis. Qu'est-ce que ça veut dire sectaire?» Venu du Japon, le reiyukai arrive en France à la fin des années 70. Il essaime petit à petit depuis Nantes où se trouve la tête du mouvement. Celui d'Angoulême, qui compterait 120 «compagnons de pratique», a été fondé par un enseignant venu de Nantes et installé en Charente. Il y aurait actuellement deux branches, l'une dominée par les enseignants, l'autre pilotée par un avocat. Le reiyukai fonctionne sans chefs officiels. «Pas de hiérarchie, ni de culte», affirme-t-on au siège. Pourtant, les témoins évoquent des couples de gourous: «L'homme est chargé de l'enseignement, précise Didier Pachoud. La femme est plus spirite. Elle met en relation avec les esprits.» Actuellement, le reiyukai compterait plus de 3 millions d'adeptes dans le monde, dont 1 500 en France.
Il n'existe aucune définition des notions de «secte» ou de «dérive sectaire». Mais la commission d'enquête parlementaire de 1995 a retenu une série de critères pour les caractériser: la déstabilisation mentale; le caractère exorbitant des exigences financières; la rupture avec l'environnement d'origine; l'existence d'atteintes à l'intégrité physique; l'embrigadement des enfants, le discours antisocial, les troubles à l'ordre public; l'importance des démêlés judiciaires; l'éventuel détournement des circuits économiques