Un long papier de L’Equipe Mag ce week-end sur MPG.
GAZON BÉNI
Grégory Rota, Martin Jaglin et Benjamin Fouquet (de g. à dr.), les trois fondateurs du jeu Mon Petit Gazon, dans les locaux de leur start-up à Paris PRÈS DE 1,5 MILLION D’UTILISATEURS, DES FOOTBALLEURS PRO QUI SUCCOMBENT, UN SUCCÈS ÉCONOMIQUE INATTENDU… MON PETIT GAZON, JEU VIRTUEL DANS LEQUEL DES APPRENTIS ENTRAÎNEURS DE FOOT SE DÉFIENT, EST DEVENU UN PHÉNOMÈNE QUI FÉDÈRE AMIS ET COLLÈGUES, BOULEVERSE LE RAPPORT AU SPORT ET REND TOTALEMENT ACCRO.[...]
Avec près de 1,5 million d’utilisateurs, Mon Petit Gazon a révolutionné le monde des fantasy leagues en France. Nés dans les années 1960 aux États-Unis, ces jeux se sont tellement développés là-bas qu’ils génèrent aujourd’hui des sommes colossales (lire page 32). La France, elle, attendait sa référence. Certains jeux ont connu de belles réussites et pas qu’en football (Fantasy Tour de France pour le vélo, Trash Talk Fantasy League pour le basket, Virtual Regatta pour le Vendée Globe), mais aucun n’a réussi à s’imposer de façon aussi spectaculaire que MPG. Pourtant, la recette du succès n’est pas si compliquée : miser à la fois sur le plaisir d’être enfin sélectionneur omnipotent et sur le goût des pronostics. Le tout saupoudré de bonus drôles et sournois qui pimentent la partie et d’une bonne dose de chambrage entre potes le lundi matin, à la découverte des résultats.
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Pour retracer cette folle ascension, il faut fouler le gazon. Celui qui a été installé à l’entrée des locaux de l’équipe de MPG, dans le IXe arrondissement de Paris. L’endroit a tout de l’ambiance « start-up cool ». Un masque de chèvre trône sur l’extincteur, un pistolet avec des fléchettes en mousse est posé sur un bureau et la PlayStation à l’étage laisse présager des matches Fifa engagés. Un tableau que Martin Jaglin, Benjamin Fouquet et Grégory Rota, les trois cofondateurs du jeu, n’imaginaient pas quand ils l’ont lancé, en septembre 2011. Les deux premiers ont fait une école de commerce, l’autre est développeur autodidacte. Ils se sont connus dans une agence de marketing digital à Paris. À l’époque, ils jouent à Fantaleague, un ancêtre de Mon Petit Gazon aujourd’hui disparu. «
On a juste adapté ça avec nos règles à nous », confie Benjamin Fouquet. Alors que la plupart des fantasy leagues fonctionnent avec un système de points en fonction des joueurs sélectionnés dans l’équipe, MPG met en scène une confrontation avec un autre utilisateur et s’appuie sur un système de buts. «
On a développé ce jeu alors qu’on avait un boulot, raconte le cofondateur.
On en a bavé les soirs et weekends. Grégory s’est chargé de coder tout le jeu seul au début. » Les invitations aux amis puis le bouche-à-oreille se sont chargés de la suite. Sans communication ni page Facebook ou appli, Mon Petit Gazon passe, en trois ans, de 5 000 utilisateurs la première année à 150 000 en 2015. Pour embellir le site et ajouter de nouveaux Championnats, l’équipe lance un crowdfunding en 2016. En trois semaines, ils collectent 38 000 €. Parmi les généreux donateurs, un anonyme se démarque en déposant 1 000€. «
En échange, on proposait un match de foot à 5 contre l’équipe de MPG, avance Grégory Rota.
On s’est dit que personne ne choisirait ce lot et il est finalement parti au bout de trois jours. Le nom du donateur était inconnu mais en lui parlant, on s’est rendu compte que c’était Martin Solveig. »
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Le succès du crowdfunding est un déclic. Les trois fondateurs quittent leur travail et se mettent à plein temps sur leur précieuse application. «
C’est un choix risqué parce que tu reviens en arrière, tu abandonnes ton salaire confortable, ça fait un peu peur », reconnaît Grégory, qui a été le premier à oser se lancer à 100 % dans l’aventure.
Aujourd’hui, le cofondateur est rassuré : 1,4 million de personnes en France ont déjà joué à MPG, pour 740 000 membres actifs depuis le 1er août. L’application a notamment profité du succès de sa petite sœur Mon Petit Prono, jeu de paris créé à l’occasion de la Coupe du monde 2018 (850 000 utilisateurs). Entre-temps, la start-up a réalisé en janvier 2018 sa première levée de fonds d’un million d’euros, à laquelle a évidemment participé Martin Solveig [...], mais aussi Sébastien Bazin, ancien président du PSG, et la famille Amaury (propriétaire du groupe L’Équipe). Les sponsors ont également rappliqué. L’équipe, composée de douze trentenaires, se rémunère aujourd’hui à 80 % grâce à la pub et 20 % grâce aux options payantes du jeu, pour un chiffre d’affaires annuel d’un peu plus d’un million d’euros. MPG a par exemple lancé un partenariat avec RedBull, qui a donné son nom à un bonus déjà existant dans le jeu. «
La question est de savoir où on met le curseur, prévient Martin Jaglin.
Si on devient un sapin de Noël publicitaire, les gens vont se barrer. Donc on essaie de faire des intégrations malignes. »
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[MPG a eu à affronter quelques accrocs]. Un imprévu initial les a opposés à L’Équipe. Pour noter les joueurs dans le jeu, MPG utilisait la notation du quotidien sans autorisation. «
Au début, on faisait un peu les pirates », admet Martin Jaglin. Un mal pour un bien puisque ce premier obstacle les pousse à concevoir leur propre algorithme. Ils n’avaient pas non plus prévu le courrier reçu de la Ligue de football professionnel les invitant à cesser toute activité en 2016. Le contentieux portait sur l’exploitation de la marque Ligue 1, encore une fois sans autorisation. L’arrivée de Didier Quillot comme nouveau directeur général de la LFP, en mars 2016, réglera le problème. «
Il a vu la menace plutôt comme une opportunité », explique Christophe Charmoille, directeur digital à la Ligue. «
Ses enfants jouaient à MPG, ça aide, souligne Martin.
On avait tout intérêt à bosser ensemble plutôt que les uns contre les autres. Aujourd’hui, on se rend compte que les gens regardent plus la Ligue 1 quand ils jouent à MPG. »
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Le phénomène est tel que de nombreux footballeurs pro s’y sont mis. Éric Vandenabeele, défenseur central de Grenoble (L2), a découvert le jeu grâce à l’un de ses équipiers. «
C’est une certaine manière de souder l’équipe, théorise le joueur. Ça se chambre pas mal dans le vestiaire. » D’autant plus quand Éric Vandenabeele n’arrive pas à se prendre au mercato et inscrit un but contre lui-même quelques semaines plus tard. «
Sur le moment je n’y ai pas pensé, sourit le défenseur. Mais cela arrive qu’on en parle à la fin du match entre adversaires. » «
Bon, ça va, je t’ai sur MPG, au moins tu n’as pas pris de but », a glissé un Grenoblois au gardien de Chambly

après leur match nul (0-0) en début de saison. Vandenabeele se souvient aussi d’une séance de tirs au but en Coupe de la Ligue contre Rodez. «
Je sais où tu vas tirer, je t’ai dans MPG », provoque le gardien adverse

«
Ça m’a fait rire sur le coup, mais ça ne m’a pas empêché de marquer, se remémore le tireur.
C’était juste pour me déconcentrer. »
[...]
En complément de l’article, L’Equipe mag interroge l’amiénois Thomas Monconduit, adepte de MPG depuis presque 10 ans.
Ça vous est déjà arrivé de penser à MPG sur le terrain ?Une fois, lors d’un match contre Dijon, il y a deux ans. On mène 1-0. Leur milieu offensif, Kwon, égalise. Je me suis dit «
ça fait chier cette égalisation », mais en même temps je l’avais dans mon équipe MPG. C’était assez étrange comme sentiment.
Tous les joueurs de MPG ont connu ça, je pense, ça donne un côté schizo, ce jeu, des fois. Et couplé à WhatsApp pour le côté chambrage bon enfant, ça fait un ensemble assez sympa.