Delnaja a écrit:LoneCat a écrit: La chance, c'est d'avoir eu le papa qui faisait bosser .... Idem pour les études
Ça ne peut pas se résumer à des parents qui comprennent qu'il faut faire travailler les enfants, indépendamment du milieu social.
Le phénomène est complexe/ramifié et c'est un processus qui débute dès le plus jeune âge, rien qu'avec les capacités d'expression et de description du monde de l'adulte vis-à-vis de l'enfant (Lepage développe un très bon exemple, avec la maman pauvre qui désigne un chien à son bambin d'une manière élémentaire "Regarde Jordan le woh-woh !" tandis que la maman plus aisée dira "Regardez Alban, un magnifique golden retriever à poil long comme chez Tatie Béatrice !").
C'est jour après jour que les dispositions à développer tel ou tel "talent" se façonnent. Et ce n'est pas un déclic parental concernant une contrainte à exercer sur ses enfants qui fait la différence. Le plus efficace, je pense que c'est quand même d'avoir une famille qui a les outils pédagogiques et le bagage culturel pour parvenir à développer le goût pour telle ou telle activité.
D'ailleurs, à en croire Lepage, toujours, seulement 3% des enfants d'ouvriers vont à la fac. Est-ce que ça implique que 97% des ouvriers ne souhaitent pas que leurs enfants aillent plus loin que le bac (même si la fac n'est pas la seule option) ? Non, c'est juste que disposer un enfant à la réussite scolaire, ça ne se réduit évidemment pas à le forcer à ouvrir ses bouquins après l'école.
D'une façon générale, le "talent", c'est du bullshit. Sans parler d'exceller, les capacités dans telle ou telle pratique dépendent fondamentalement de l'éveil des dispositions et d'un accompagnement approprié.
Le talent + le travail comme recette quel que soit le milieu social : non. La disposition éduquée à être réceptif à une pratique + les ressources psychologiques, pédagogiques et culturelles de l'entourage, c'est ça qui fait réellement la différence.
Après, oui, on trouve toujours des gens dont les accomplissements excèdent les conditions socio-culturelles de leur milieu d'origine. 3%, quoi.
En fait dans ton message, tu abordes de très nombreux sujets qui sont mélangés. Sur certains on est d'accord,mais pas sur d'autres.
Déjà pardon si j'ai choqué en utilisant le mot "talent". J'aurais pu dire facilité voire, à la limite, goût.
Il y a des compétences qui sont devenues indispensables alors qu'elles ne l'étaient pas il y a quelques générations (savoir lire et écrire,savoir utiliser un ordinateur). Quel que soit le gamin, il faut essayer de développer ces compétences, en essayant de lui donner le goût de la lecture.
En revanche, il y a une foultitude de "compétences" qui sont loin d'être essentielles, mais qui développent des capacités de réflexion, de coordination, d'expression, bref: plein de choses utiles. Ca peut être la musique, pratiquer un sport, le fait de savoir s'occuper de ses frères et soeurs en bas âge, de s'occuper des animaux de la ferme, etc. Si un de mes gamins devient maître-chien et qu'il est épanoui, j'en serais ravi pour lui. En revanche, je pense qu'il y a une chiée de volontaires et peu d'élus,et encore moins d'élus qui exercent leur métier dans des conditions idéales. Et ceux là ont peut-être pour une partie d'entre eux eu de la "chance", mais surtout ils ont bossé.
Après le déterminisme social, je n'y crois pas du tout comme une vérité absolue. Tu peux faire écouter Bach et Mozart aux nouveaux-nés, ça ne va pas les tous les transformer en bêtes à concours pour autant. Inversement, les exemples de réussites sociales de personnes issues d'un milieu défavorisé sont tellement nombreux .... Or quel est le point commun entre ces artistes, sportifs, scientifiques, (insérer toute autre profession) ? Ils se sont tous aperçu qu'ils avaient un goût pour quelque chose et la capacité de le faire bien, et ils ont tous bossé pour le faire.
L'exemple de Lagarde (que je ne connais pas) est naze sur au moins deux points. Le premier est qu'il considère le "pauvre" comme un crétin qui appelle un chien "woufwouf". C'est ringard et faux. Des crétins qui appellent "miaou" un chat et "woufwouf" un chien, il y en a dans tous les milieux. En revanche, je savais très jeune que le chien de mon grand-père (niveau certificat d'étude, donc CM2) était un épagneul breton, parce que les épagneuls bretons sont d'excellent chiens de chasse au gibier d'eau. Sans parler de la façon de nourrir les animaux ...
Le second c'est l'histoire des 3% de fils d'ouvrier qui vont en fac. Autant dans les années 1970, avoir le bac était une réussite annonciatrice d'un avenir radieux, autant aujourd'hui c'est la porte grande ouverte vers plein de formations bouche-trous avec un avenir de galère. J'aimerais bien savoir quelle est la part d'étudiants en fac qui ont choisi cette formation par vocation, et réalisent leur projet. En tout cas considérer que seuls ces 3% ont réalisé un accomplissement, c'est quand même largement méprisant pour les autres 97% en plus d'être très discutable pour les 3% en question ....
Ensuite, quand j'entends quelqu'un affirmer que le talent c'est du "bullshit", je me demande toujours quelle est son expérience en matière de gamins. Parce que s'il est vrai qu'on peut toujours enseigner à peu près n'importe quoi à pratiquement n'importe quel enfant (en adaptant la méthode au gamin), en revanche la pratique montre très rapidement que certains ont des aptitudes pour la concentration, d'autres pour l'expression, etc .... Les enseignants le remarquent rapidement, et dans le domaine sportif c'est encore plus flagrant. On a des tonnes de sujets sur ce forums ou l'on parle d'"espoir", de "détection", et c'est vrai pour toutes les disciplines sportives, mais également pour les disciplines intellectuelles. Il s'agit bien de détecter des "talents" pour les amener vers l'excellence.
Bref: "
Le talent + le travail comme recette quel que soit le milieu social : non." On a le droit de ne pas être d'accord, et pourtant je maintiens. Je ne dis pas que c'est suffisant, mais que c'est nécessaire.
"
La disposition éduquée à être réceptif à une pratique + les ressources psychologiques, pédagogiques et culturelles de l'entourage, c'est ça qui fait réellement la différence.". Ca pour moi c'est du "bullshit", parce que c'est oublier un peu vite que l'objet de la discussion c'est un individu avec une personnalité propre.
Quand Grapichu affirme "
on ne peut décemment affirmer que la fille de ton pote s'en est sorti grâce à son seul talent". D'abord il m'a mal lu, parce que la fille en question a bossé comme une malade. Ensuite, elle ne s'est sorti de rien du tout. A la limite on aurait pu dire que son père, fils d'immigrés italiens venus bosser dans les mines s'est sorti de la condition ouvrière en faisant des études scientifiques. Mais elle, issue d'un milieu favorisé, a préféré la vie de musicienne (autant dire socialement un sacré risque), à celle de médecin ou d'ingénieur.
Ciao,
LoneCat