Nuit Debout

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Re: Nuit Debout

Messagepar sansai » 20 Avr 2016 14:37

Reprise du dernier message :
Kbes a écrit:Rassurez-vous stan et petit-breton, le patrimoine de 95 % d'entre-eux (bon là, j'avoue, c'est au doigt mouillé) s'évaporera dans la "nature" que ce soit par la succession en plusieurs parts d'ayant-droits, par la légitime taxation, ou pour financer la maison de retraite de mémé.

C'est l'inverse que montre Piketty dans son bouquin, qui explique largement la concentration des richesses par la transmission du patrimoine (et par des données démographiques qui font que le patrimoine ne s'évapore plus tant que ça entre un ou deux enfants d'une génération sur l'autre).
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Re: Nuit Debout

Messagepar Kbes » 20 Avr 2016 14:38

En France et/ou aux Etats-Unis ?
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Re: Nuit Debout

Messagepar sansai » 20 Avr 2016 14:45

A l'échelle mondiale. Il démontre en fait que la croissance des patrimoines hérités est supérieure à la croissance des patrimoines qui se constituent aujourd'hui. Ce qui induit la concentration des richesses.
Je le cite : « l’entrepreneur tend inévitablement à se transformer en rentier, et à dominer de plus en plus fortement ceux qui ne possèdent que leur travail. Une fois constitué, le capital se reproduit tout seul, plus vite que ne s’accroît la production. Le passé dévore l’avenir ».

Sinon, j'ai vu passer ce débat avec Friot hier, et la session de questions/réponses est particulièrement intéressante avec des réponses très claires de Friot (à partir de 1h05') : "Faut-il fixer des limites à la propriété privée"



(pour clarifier un peu si vous voulez pas vous frapper toute la vidéo avant la session de questions/réponses, Julien Bayou (EELV) est là pour défendre le revenu d'existence/revenu de base, quand Friot est là pour parler de salaire universel.)

Un petit lexique liminaire pour aider un peu à rentrer dans l'univers mental de Friot :

- Travail =/= emploi. Friot est un fervent défenseur du travail. Et un adversaire absolu de l'emploi et de la domination salariale.
Il fait d'ailleurs une démonstration extrêmement intéressante sur l'outil qu'a été, et que reste encore largement l'emploi pour oppresser les femmes, et comment on empire encore les choses avec les annuités au moment de la retraite.

- production de valeur économique =/= production de valeur d'usage (ou propriété lucrative).
La propriété lucrative c'est le fait de tirer un revenu de l'exploitation du travail par la possession des outils de production. C'est la valeur d'usage dans les termes de Friot.
La production de valeur économique, c'est le travail (et non pas l'emploi, donc), au sens le plus large possible. Y compris l'enseignant qui enseigne, la femme qui fait le ménage chez elle (voir aussi la vidéo d'Usul sur Friot, qui explique très bien les différentes façons dont un même travail va être considéré différemment quand un gus tond une pelouse, selon qu'il soit en train de tondre dans son jardin, qu'il soit employé de mairie ou qu'il bosse pour une entreprise privée qui sous-traite pour la mairie).

- La qualification, dans le langage de Friot, ce n'est pas la formation, le diplôme. C'est l'attribution d'un salaire en fonction d'un statut (typiquement, la fonction publique), attaché soit à un poste, un contrat de travail (emploi privé), soit à la personne (emploi public). Dans l'univers de Friot, c'est la personne qui reçoit le salaire simplement parce qu'elle existe et qu'elle est majeure. On qualifie une personne de majeure et partant de là, elle reçoit un salaire et accède à un ensemble de droits. Elle peut ensuite passer devant des jurys de qualification pour passer à des grades supérieurs (dans sa proposition, de 2500 € par mois à la majorité à 6000 € au grade supérieur, en fonction du PIB actuel de la France).

- la production de valeur est une construction sociale. On choisit de dire que telle ou telle activité non-marchande est productrice de valeur.
Jusque dans les années 60, les bonnes sœurs n'étaient pas des travailleuses. Elles n'étaient pas dans le PIB français. Et puis du jour où elles ont été remplacées par des infirmiers, on a intégré la production de valeur des infirmiers au PIB.
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Messagepar StanAjax » 20 Avr 2016 15:47

Kbes a écrit:Les 20/25 millions de propriétaires en France seront donc ravis de savoir qu'ils sont les équivalents des seigneurs féodaux de l'Ancien Régime et des salauds de rentiers.


A un moment, si tu fais exprès de ne pas comprendre, je ne peux plus rien pour toi. Pour la Xème fois, tous ces gens ne perdront RIEN en valeur d'usage. Absolument RIEN.

Ils sont au contraire les révoltés de l'été 1789. Ou devraient l'être...


Kbes a écrit:Sauf que dans une France qui manque de logements, pas de concentration et de densification, c'est la porte ouverte à la consommation des espaces naturels et l'installation d'infrastructures disproportionnées (routes, réseaux...) pour desservir trois pélerins.


Ça reste à prouver, le manque de logements, justement. Une fois la limite d'un logement par foyer imposée et la réquisition de tous les logements vides et autres bâtiments facilement réhabilitables en logements...
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Messagepar jupiter » 20 Avr 2016 15:55

On s'en fout un peu du manque de logement en fait, d'un point de vue global. Si il manque des logements il faudra en construire c'est pas forcément le plus embêtant quand tu vois les coins désertiques qu'on a en France comme la Lozère.

La vraie question doit se poser sur la répartition des Hommes sur un territoire donné.
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Messagepar The piaf » 20 Avr 2016 15:57

Mais dans les déserts par définition, il n'y a rien. Ils vont faire quoi en Lozère tes "déportés"?
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Messagepar jupiter » 20 Avr 2016 16:02

C'est pas très sympa pour eux ça. Et ça va, c'est pas le Sahara non plus quand même Et puis quand bien même ce serait un désert, au point où on en est de la réflexion, on peut bien y développer de l'activité.
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Re: Nuit Debout

Messagepar sansai » 20 Avr 2016 16:11

Ah purée jupiter, t'es pire qu'un soviétique, toi. Planification de la répartition des gens à l'échelle du territoire ?
Brr.

Y'a déjà assez de la fonction publique avec ses mutations à échelle nationale.

L'enracinement dans le territoire, c'est crucial. Dans toutes ces histoires d'enseignement et de police qui déconnent, le déracinement des fonctionnaires au sein de populations qui leur sont étrangères, ça joue pas qu'un petit rôle.

La volonté républicaine d'aplanir tous les particularismes en mélangeant joyeusement, et de force si nécessaire, ses populations aux quatre coins du territoire n'est pas qu'un petit facteur de violence.

Ah tiens, un autre truc sur lequel j'ai tiqué : le fait de qualifier telle ou telle mesure de plus ou moins démocratique. Mais de toutes façons, n'importe quelle mesure est démocratique, à partir du moment où elle est issue de la délibération collective. La mesure de la démocratie, c'est pas le degré de liberté individuelle qu'on préserve ou non. La mesure de la démocratie, c'est à quel point une politique est issue de la délibération collective.
Si on s'astreint collectivement, après débat en bonne et due forme, à des restrictions de libertés drastiques, c'est démocratique. C'est pas très libertaire, mais c'est démocratique, par essence. La seule condition pour que quoi que ce soit soit démocratique, c'est que ce soit débattable collectivement et défaisable à tout moment.

Et n'importe quelle mesure peut être mise à l'épreuve, évaluée et au besoin corrigée ou abandonnée. Ça devrait même être la base même de l'exercice démocratique, l'évaluation et le débat collectif permanents, et la possibilité de remettre en cause n'importe quelle acte politique ou législatif à tout instant.
On pourrait même appeler ça... la politique.
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Re: Nuit Debout

Messagepar Delnaja » 20 Avr 2016 17:34

sansai a écrit:- production de valeur économique =/= production de valeur d'usage (ou propriété lucrative).
La propriété lucrative c'est le fait de tirer un revenu de l'exploitation du travail par la possession des outils de production. C'est la valeur d'usage dans les termes de Friot.
La production de valeur économique, c'est le travail (et non pas l'emploi, donc), au sens le plus large possible. Y compris l'enseignant qui enseigne, la femme qui fait le ménage chez elle (voir aussi la vidéo d'Usul sur Friot, qui explique très bien les différentes façons dont un même travail va être considéré différemment quand un gus tond une pelouse, selon qu'il soit en train de tondre dans son jardin, qu'il soit employé de mairie ou qu'il bosse pour une entreprise privée qui sous-traite pour la mairie).


La valeur d'usage, c'est le travail concret, la production de bien ou de services, l'utilité sociale. Tandis que la valeur économique, comme tu le dis, c'est le fruit d'une décision, dans n'importe quelle société, entre ce qui vaut et ce qui ne vaut pas (de la monnaie).

Et dans notre société capitaliste, ce sont précisément les détenteurs des outils de productions qui décident à quelles valeurs d'usage on associe une valeur économique.

Même si le curseur bouge en fonction de la lutte des classes.

Mais il n'y a pas d'équivalence (?) entre la valeur d'usage et la propriété lucrative. Ou alors, je n'ai pas bien compris ce que tu as voulu dire. Valeur d'échange, peut-être ?

Merci pour la vidéo en tout cas, marque-page direct.
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Re: Nuit Debout

Messagepar jupiter » 20 Avr 2016 20:18

sansai a écrit:Ah purée jupiter, t'es pire qu'un soviétique, toi. Planification de la répartition des gens à l'échelle du territoire ?
Brr.

Y'a déjà assez de la fonction publique avec ses mutations à échelle nationale.

L'enracinement dans le territoire, c'est crucial. Dans toutes ces histoires d'enseignement et de police qui déconnent, le déracinement des fonctionnaires au sein de populations qui leur sont étrangères, ça joue pas qu'un petit rôle.


Ah mais je suis complètement d'accord avec toi. Pour les histoires de déracinement des fonctionnaires, je me souviens très bien qu'on en avait déjà parlé et qu'on était justement d'accord sur ce point.

Je ne disais pas qu'il fallait déplacer les populations en fonction des déserts territoriaux. Je disais juste que la question du manque de logement n'en était pas une puisque les populations sont le plus souvent concentrés dans des zones urbaines. Du coup il y a des zones creuses. Sans parler des logements vides évidemment dans les zones urbaines ou péri-urbaines.

Mais oui, on va pas déplacer les gens dans les trous perdus de manière aussi autoritaire. Soit rassuré, ce n'était pas mon propos.
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Re: Nuit Debout

Messagepar sansai » 21 Avr 2016 3:28

Delnaja a écrit:
sansai a écrit:- production de valeur économique =/= production de valeur d'usage (ou propriété lucrative).
La propriété lucrative c'est le fait de tirer un revenu de l'exploitation du travail par la possession des outils de production. C'est la valeur d'usage dans les termes de Friot.
La production de valeur économique, c'est le travail (et non pas l'emploi, donc), au sens le plus large possible. Y compris l'enseignant qui enseigne, la femme qui fait le ménage chez elle (voir aussi la vidéo d'Usul sur Friot, qui explique très bien les différentes façons dont un même travail va être considéré différemment quand un gus tond une pelouse, selon qu'il soit en train de tondre dans son jardin, qu'il soit employé de mairie ou qu'il bosse pour une entreprise privée qui sous-traite pour la mairie).


La valeur d'usage, c'est le travail concret, la production de bien ou de services, l'utilité sociale. Tandis que la valeur économique, comme tu le dis, c'est le fruit d'une décision, dans n'importe quelle société, entre ce qui vaut et ce qui ne vaut pas (de la monnaie).

Et dans notre société capitaliste, ce sont précisément les détenteurs des outils de productions qui décident à quelles valeurs d'usage on associe une valeur économique.

Même si le curseur bouge en fonction de la lutte des classes.

Mais il n'y a pas d'équivalence (?) entre la valeur d'usage et la propriété lucrative. Ou alors, je n'ai pas bien compris ce que tu as voulu dire. Valeur d'échange, peut-être ?

Merci pour la vidéo en tout cas, marque-page direct.

Ouais, j'ai voulu régler ça vite fait avant de me barrer et du coup, j'ai raconté n'importe quoi. :smt022

Merci pour la rectif'. :smt023
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Re: Nuit Debout

Messagepar StanAjax » 21 Avr 2016 8:00

C'est bien ce qu'il me semblait aussi, mais je me suis dit que j'avais peut-être loupé un truc.

Après, c'est des histoires de vocabulaire (c'est plus pratique si on se met d'accord quand même), le message restait compréhensible quand même.

En tout cas, ça fait du bien de voir les propositions de Lordon et Friot remonter à la surface. Et Ruffin et le couple Pinçon-Charlot montrer les deux revers de la médaille au plus grand nombre...
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Re: Nuit Debout

Messagepar Moar » 21 Avr 2016 9:57

Sur la proposition de friot et le salaire fonction du statut, en tant que partisan du moindre effort, qu'est ce qui m empêchera de ne rien produire de mes journées de travail si j'ai un salaire garanti de toute facon ?
Il prévoit des objectifs ? Autre chose ? Ou alors j'ai mal compris la proposition. :?
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Re: Nuit Debout

Messagepar féliré » 21 Avr 2016 10:21

Ça me fait penser à une émission que j'avais entendu sur jet FM ou alternante sur le revenu de base pendant laquelle un des intervenants expliquaient ceci.

A la question "Que feriez-vous si l'on vous garantissait un revenu de base ?", les réponses "je conserverais mon emploi", "je conserverai mon emploi mais je travaillerai moins" et "je continuerai de travailler mais dans un secteur qui m'intéresse" représentaient 80% des réponses des sondés. Seuls 20% des sondés expliquaient qu'ils arrêteraient complètement de travailler pour voyager et ne rien branler.
Pour l'instant ça va. Ça devenait drôle quand la question devenait "Que pensez-vous que les autres feront si on leur garantit un revenu de base ?". Les mêmes réponses étaient complètement inversées, puisque 80% des sondés estimaient que les autres allaient complètement arrêter de travailler et 20% pour les autres réponses. C'est assez symptomatique de la sensation qu'ont les gens d'être plus honnêtes, plus intelligents, plus beaux, plus vertueux, que les autres.
Elle est marrante ta remarque, parce que c'est l'inverse. Tu sais que tu es une grosse feignasse et tu fais donc confiance aux autres pour en être aussi :-D

Pour revenir à ta remarque, je ne vois pas le problème si le système te permet de vivre sans rien branler. Déjà parce que tu va représenter une minorité. Et ensuite, parce que peu importe que tu ne fasses rien de productif, ton revenu de base sera injecté dans l'économie du pays parce qu'il faudra bien que tu te loges, que tu manges, que tu te soignes que tu t'habilles, etc.
Et quand bien même, tout le monde déciderait de ne plus rien branler, on en arriverait à un point où plus personne ne produirait ce dont tu as besoin pour subvenir à tes besoins. Et dans ces conditions, tu serais bien obligé de te bouger le fion pour subvenir au moins à tes propres besoins.
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Re: Nuit Debout

Messagepar Delnaja » 21 Avr 2016 12:33

Moar a écrit:Sur la proposition de friot et le salaire fonction du statut, en tant que partisan du moindre effort, qu'est ce qui m empêchera de ne rien produire de mes journées de travail si j'ai un salaire garanti de toute facon ?
Il prévoit des objectifs ? Autre chose ? Ou alors j'ai mal compris la proposition. :?


Déjà, avec la proposition de Friot, si tu ne veux rien faire, inutile de te présenter au travail. Le salaire (à vie) est attaché à la personne et donc complètement déconnecté de l'emploi. Son point, c'est de rompre avec l'idée selon laquelle nous serions des êtres de besoins (d'où son opposition à un "revenu"). Au contraire, au cours de nos vies, nous ne cessons jamais de produire de la valeur (il cite souvent l'exemple des retraités qui déclarent ne jamais avoir été aussi actifs que depuis qu'ils sont libérés du marché du travail). Bref, en gros, il y a un invariant anthropologique qui fait que nous aimons être actifs. Et s'il y avait un certain pourcentage d'anachorètes dans (ou en marge de) la société, au moins ils ne feraient pas de mal et je me souviens même d'un défenseur du revenu de base (proposition concurrente à celle de Friot) - qui répondait à ta question au cours d'une émission sur @si - dire que le regard qu'ils porteraient sur la société pourrait potentiellement avoir son utilité.

Version Friot, dans Emanciper le travail, p. 91-92 :

Friot a écrit:Ce qui nous empêche de travailler aujourd'hui, c'est la pratique capitaliste de la valeur. Je pense à celles et ceux qui ne peuvent pas donner leur mesure parce qu'ils se heurtent au marché du travail, parce qu'ils savent qu'ils font du sale boulot pour mettre en valeur le capital de l'actionnaire, parce qu'ils vont en traînant les pieds faire un travail qui leur plaît mais que le management capitaliste pourrit. Je pense à celles et ceux qui ont commencé leur activité dans l'enthousiasme et qui sont devenus cyniques. Je pense à notre exaspération devant la désindustrialisation, la perte de savoirs anciens, l'obligation de formater l'activité dans des protocoles et des procédures absurdes sauf du point de vue de la rentabilité financière, la surveillance permanente, la perverse évaluation individuelle ici et maintenant de l'activité. On pourrait multiplier la litanie à l'infini tant la pratique capitalistique de la valeur est devenue aujourd'hui contradictoire avec notre aspiration au travail.
A tout ce travail qui ne se fait pas ou qui se fait si mal, il faut ajouter la liste tout aussi infinie des travaux inutiles, des travaux dangereux, des travaux écologiquement aberrants ou suicidaires, des travaux antidémocratiques qui, malgré une valeur d'usage négative, sont pourtant organisés et à grande échelle, parce qu'ils mettent en valeur le capital. Ceux qui craignent que l'on travaille moins lorsque l'on sera libéré du carcan du capital me font rire. Qu'ils restent dans leur hamac, les directeurs de ressources humaines, les conditionneurs du Mediator, les juristes d'optimisation fiscale, les professeurs de mathématiques financières, les journalistes animateurs des tranches matinales d'information, et tant d'autres dont la liste est là aussi infinie ! Au moins, ils ne feraient pas de mal. Une pratique de la valeur qui organise à si grande échelle le chantage, la peur, l'autodénigrement, la guerre de tous contre tous : voilà l'ennemi d'un travail que tout ce qui permettra d'en finir avec elle ne pourra que dynamiser. Pour imaginer la dynamique qui va être ainsi créée, il suffit d'évoquer l'horizon long qu'ouvre un salaire à vie dans la liberté des trajectoires, la coresponsabilité d'usage, la dignité retrouvée d'un travail concret débarrassé des folies de la valeur capitaliste, le changement du rapport à l'investissement que vont introduire une création monétaire sans crédit et sans taux d'intérêt, la libération considérable grâce à la lenteur enfin retrouvée pour un travail bien fait que va représenter la fin de la mesure de la valeur par le temps de travail.
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Re: Nuit Debout

Messagepar anas lex » 21 Avr 2016 12:57

féliré a écrit:Ça me fait penser à une émission que j'avais entendu sur jet FM ou alternante sur le revenu de base pendant laquelle un des intervenants expliquaient ceci.

A la question "Que feriez-vous si l'on vous garantissait un revenu de base ?", les réponses "je conserverais mon emploi", "je conserverai mon emploi mais je travaillerai moins" et "je continuerai de travailler mais dans un secteur qui m'intéresse" représentaient 80% des réponses des sondés. Seuls 20% des sondés expliquaient qu'ils arrêteraient complètement de travailler pour voyager et ne rien branler.
Pour l'instant ça va. Ça devenait drôle quand la question devenait "Que pensez-vous que les autres feront si on leur garantit un revenu de base ?". Les mêmes réponses étaient complètement inversées, puisque 80% des sondés estimaient que les autres allaient complètement arrêter de travailler et 20% pour les autres réponses. C'est assez symptomatique de la sensation qu'ont les gens d'être plus honnêtes, plus intelligents, plus beaux, plus vertueux, que les autres.
Elle est marrante ta remarque, parce que c'est l'inverse. Tu sais que tu es une grosse feignasse et tu fais donc confiance aux autres pour en être aussi :-D

Pour revenir à ta remarque, je ne vois pas le problème si le système te permet de vivre sans rien branler. Déjà parce que tu va représenter une minorité. Et ensuite, parce que peu importe que tu ne fasses rien de productif, ton revenu de base sera injecté dans l'économie du pays parce qu'il faudra bien que tu te loges, que tu manges, que tu te soignes que tu t'habilles, etc.
Et quand bien même, tout le monde déciderait de ne plus rien branler, on en arriverait à un point où plus personne ne produirait ce dont tu as besoin pour subvenir à tes besoins. Et dans ces conditions, tu serais bien obligé de te bouger le fion pour subvenir au moins à tes propres besoins.


Pour apporter de l'eau à ton moulin, le revenu universel faciliterait également la création d'activités pour les professions libérales ou entreprises individuelles.

Depuis mon installation (ça fait un peu plus d'un an), je n'ai dû me verser que deux fois un salaire.
J'ai la chance de ne pas être seul et j'ai eu la bonne idée de me faire des réserves de l'époque où j'ai un revenu fixe, mais je sais que c'est clairement un frein pour d'autres professionnels qui seraient tentés de créer leur propre activité.
Quand tu bosses comme un taré (en tout cas plus qu'avant) et que tu n'as pas de revenu fixe, tu songes sérieusement à tout lâcher à de nombreuses occasions.

Avec un revenu universel, on pourrait encourager ce genre d'initiatives.

Quant au poncif du "il ne faut pas donner un revenu universel de base, sinon plus personne ne va rien foutre", c'est bidon.
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Re: Nuit Debout

Messagepar StanAjax » 21 Avr 2016 13:15

Ouais, entre les privés d'emploi et ceux qui ont des jobs inutiles, je pense qu'on devrait s'en sortir.
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Re: Nuit Debout

Messagepar superman » 21 Avr 2016 13:19

il y a un invariant anthropologique qui fait que nous aimons être actifs.

La paresse peut être vu comme une réponse ( une conséquence, un refus ) à la division sociale du travail. Il n' y a pas de faignants chez les Dogons du mali ou chez les Nénettes du pole nord. Parce que leurs activités ( déconnectées du salariat ) est partie prenante des multiples réalités de leur vie.
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Re: Nuit Debout

Messagepar Delnaja » 21 Avr 2016 13:22

Claro que si. :smt045
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Re: Nuit Debout

Messagepar anas lex » 21 Avr 2016 13:41

StanAjax a écrit:Ouais, entre les privés d'emploi et ceux qui ont des jobs inutiles, je pense qu'on devrait s'en sortir.

Attention, je ne pense pas avoir un boulot inutile.
Enfin, quoique...

En tout cas, ce n'est pas parce que tu n'es en mesure de te verser un salaire que ton boulot est inutile.

Enfin, un truc dans le genre.
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Re: Nuit Debout

Messagepar StanAjax » 21 Avr 2016 13:50

:smt017

Le principe du job inutile, c'est qu'il est socialement inutile (voire néfaste), mais rémunéré.

Ça n'a rien à voir avec ta situation d'auto-entrepreneur du verbe !
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Re: Nuit Debout

Messagepar anas lex » 21 Avr 2016 13:53

Chuis pas auto-entrepreneur, chuis mercenaire. :smt067
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Re: Nuit Debout

Messagepar sansai » 21 Avr 2016 13:57

Moar a écrit:Sur la proposition de friot et le salaire fonction du statut, en tant que partisan du moindre effort, qu'est ce qui m empêchera de ne rien produire de mes journées de travail si j'ai un salaire garanti de toute facon ?
Il prévoit des objectifs ? Autre chose ? Ou alors j'ai mal compris la proposition. :?

Alors tout n'est pas dit ici hein. Je t'assure qu'on est sur une proposition dense et réfléchie jusqu'au bout.

D'abord, à cette objection, il faudrait déjà vérifier que le fait d'être "partisan du moindre effort", fainéant, pas très enclin à aller au travail, à se mettre au travail quand on est sur un lieu de travail, n'est pas déjà une généralité aujourd'hui.

Image

"J'ai un job à la con" : neuf salariés racontent leur boulot vide de sens

Friot parle d'un tiers des boulots aujourd'hui qui sont inutiles voire toxiques. J'ai pas creusé le sujet donc je vais le croire sur parole pour le moment, sans avoir à beaucoup me forcer.

J'ai fait quelques boulots à la con dans mon propre "parcours professionnel". J'ai bossé dans le privé, dans le public, la plupart sur des boulots d'appoint, des contrats courts, de bouche-trou. Et je pense être un specimen assez singulier de queue de vache dans la main.

Tu sais quand j'ai arrêté d'être fainéant au boulot, de me planquer, d'en faire le moins possible ? Quand je me suis mis à trouver un sens et un caractère nécessaire (autre que celui du manger, de payer mon loyer et d'assurer mon modeste confort) à mon travail. C'est en devenant pion que j'ai commencé à travailler pour de vrai. C'est en ayant conscience de ce qu'il pouvait en coûter à des mômes de ne rien branler que je me suis mis à bosser, et bien au-delà de mes prérogatives imposées par mon contrat de travail.

A la fin dans mon bahut je faisais la maintenance informatique de l'infirmerie, je faisais l'accueil des collégiens stagiaires, j'ai même passé une poignée de jeudi matins à faire le boulot d'une COP en arrêt maladie avec un groupe d'élèves en décrochage. J'ai bossé la nuit au-delà de mes horaires pour régler des situations diverses, alors que contractuellement je n'étais tenu, sauf situation d'urgence, de m'occuper des élèves que jusqu'à 22h. Je me suis rarement couché avant 23h.
Je veux dire, j'ai été emprunter des outils aux agents pour réparer le putain de baby-foot du foyer dont une barre était décrochée, bordel. Au lieu de rester tranquillement dans un coin du foyer à faire le sudoku du Ouest-Torche ou de jouer au ping pong avec les élèves.
J'ai passé plein de mes temps de pause à discuter avec des élèves, prendre des nouvelles, régler des problèmes ou du moins chercher des solutions, au lieu de fumer ma clope dans mon coin en lisant footnantais sur mon machinphone.

Je me suis remué le popotin même pour des choses dont ma hiérarchie me défendait de m'occuper, j'ai rendu quantité de menus services à des élèves quand je le jugeais nécessaire. Juste parce qu'il n'y avait personne d'autre pour le faire. J'étais clairement pas payé pour en faire autant, déjà j'avais pas les compétences reconnues pour faire pas mal des choses dont je me suis occupé, pour commencer.
J'ai accepté des choses que j'étais tout à fait en mesure de refuser, pour lesquelles absolument aucune pression d'aucune sorte ne m'a été mise, comme de dépanner des collègues indisponibles en les remplaçant en début de semaine (d'ailleurs, la plupart du temps, on s'arrangeait directement entre nous), enchaînant des semaines de 83h théoriques (à temps plein, 41h30 par semaine avec l'annualisation des 35h et la prise en compte des vacances scolaires, pour un pion).
Pratiquement, je mettais les pieds dans l'établissement le lundi matin et j'en ressortais le vendredi soir, rincé comme jamais. Je mettais bien deux à trois jours assez léthargiques à m'en remettre (bon après, je restais une semaine et demie chez moi en contrepartie). Et mes collègues acceptaient la même chose, du coup.

J'en avais rien à foutre. Il y avait des trucs à faire et des mômes qui en dépendaient. Des trucs qui me semblaient utiles.
Tu m'aurais dit que j'étais capable de me démener comme ça pour un boulot 10 ans plus tôt, en particulier un boulot où j'avais pas de quota de production à tenir, où j'étais payé de la même façon et bénéficiais, globalement, de la même (médiocre) reconnaissance que je passe mon temps à glander derrière un écran d'ordinateur ou que je coure à droite à gauche, je pense pas que je t'aurais cru. J'ai toujours été un roi de la résistance passive à la contrainte et un partisan convaincu du moindre effort. Une feignasse de la plus belle espèce, doublé d'une faculté assez légendaire à baisser les bras au moindre écueil.
Et pourtant, je me suis mis à bosser comme un dingue par moments. Et ça je m'y attendais pas vraiment, d'autant moins en rentrant dans l'éducation nationale.

Friot a un argument majeur contre la suspicion de je-m'en-foutisme : les retraités. La plupart des retraités, alors qu'ils ont, par définition, un salaire à vie qui tombe tous les mois quoi qu'ils fassent, continuent à travailler.
Beaucoup n'ont même jamais autant bossé de leur vie. Ils ne comptent plus leurs heures. 35, 39 heures, rien à foutre. 60h par semaine sur un chantier si il le faut. Vu, de mes yeux vu. Ils bossent parce qu'ils font ce qu'ils aiment, parce qu'ils postulent l'utilité de ce qu'ils font, et par-dessus tout, parce qu'ils sont enfin libres de travailler. Sans se soucier d'avoir un toit au-dessus de leur tête et à manger dans leur assiette.
Et c'est l'extension de ce statut que propose Friot, ni plus, ni moins. Mais non sans renverser quelques manières de voir (capitalistes) au préalable.

Il y a un échange particulièrement intéressant entre Lordon et Friot sur ce sujet. Lordon pose, en prenant le temps de bien le faire, l'objection du hamac (si on verse un salaire à vie à quelqu'un, il va choisir le hamac), et de la division du travail, de la mise au travail des gens, de comment on fait pour avoir encore des camarades parmi nous qui ramassent les poubelles, qui font tourner les centrales électriques, produisent les canalisations pour l'eau courante et les posent, etc, et Friot lui répond.
Avec notamment, une proposition sur une ré-hiérarchisation des salaires, et sur le besoin d'une institution politique qui gère la violence de l'attribution des salaires.

(ça commence vers 8'40" pour l'objection du hamac)

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Re: Nuit Debout

Messagepar Ockham » 21 Avr 2016 14:06

anas lex a écrit:Quant au poncif du "il ne faut pas donner un revenu universel de base, sinon plus personne ne va rien foutre", c'est bidon.


Ah bon ? Sachant qu'il y a en France 2,5 millions de chômeurs indemnisés, les autres touchent en majorité le RSA, pourtant il y a 300 000 emplois non pourvus.

Les chiffres, eux, ne mentent pas.
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Re: Nuit Debout

Messagepar féliré » 21 Avr 2016 14:08

Moi, j'm'en fous, je travaille. Je dors sur mes deux oreilles, rien à me reprocher.
Par contre, j'aurais deux ou trois trucs à dire à pas mal de personnes dans mon entourage...
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Re: Nuit Debout

Messagepar jupiter » 21 Avr 2016 14:31

Vas y mec, dénonce. A l'ancienne, façon 39/45.
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